L’industrie musicale vit un vrai renouveau depuis la fin des années 2010, après des années 2000 compliquées marquées par le piratage massif et une baisse des ventes des disques matériels. L’apparition des plateformes de streaming légales a permis la mise en place d’un nouveau modèle, qui garantit le paiement des artistes en fonction de leur succès. Ces plateformes permettent un accès à du contenu d’excellente qualité et très diversifié. Deezer, troisième acteur du marché après Spotify et Apple Music, revendiquait en juin 2019 un catalogue de plus de 53 millions de titres. Les abonnements aux plateformes de streaming sont abordables (14,99 euros par mois pour un abonnement famille à 6 utilisateurs et 9,99 euros pour un abonnement individuel), avec des réductions étudiantes diminuant de 50% le prix de l’abonnement. Avec l’avènement de plateformes gratuites comme YouTube ou Bandcamp, l’accès à du contenu musical n’a jamais été aussi important.
L’accès difficile à la pratique musicale
La démocratisation de l’accès à la musique n’a rien changé à la difficulté de l’accès à la pratique musicale. En France, pour faire prendre des cours de musique à leur enfant, plusieurs solutions s’offrent aux parents. La plus traditionnelle consiste à l’inscrire au conservatoire. Les conservatoires proposent des cours à des prix accessibles, car souvent très subventionnés par les mairies. Les prix sont donc très hétérogènes en fonctions des communes, mais certains arrivent à offrir des inscriptions autour de 250 euros, incluant des cours particuliers hebdomadaire et des cours de solfège. Néanmoins, la pratique d’un instrument en conservatoire ne correspond pas forcément aux attentes des enfants, avec un enseignement qui reste assez traditionnel et où la pratique des musiques actuelles est souvent exclue, en tout cas minoritaire. Ces contraintes poussent beaucoup d’enfants à abandonner car ils n’y trouvent pas de plaisir. Les parents peuvent alors se tourner vers des écoles privées de musiques ou des professeurs particuliers indépendants, dont beaucoup ont une approche plus ludique de l’apprentissage, ainsi qu’une plus grande ouverture sur les styles de musiques. Mais les prix n’ont plus rien à voir, avec un tarif horaire qui peut facilement aller au-delà de 50 euros. Cette solution n’est donc accessible qu’aux familles les plus aisés. Reste enfin l’apprentissage en autodidacte, rendu possible grâce aux nombreux tutoriels disponibles gratuitement sur Internet, mais qui ne sont pas du tout adaptés à un public d’enfants, et plutôt destinés à une cible plus âgée, dont seules les personnes les plus déterminés arrivent à tirer profit. Rares sont les musiciens partis de rien ayant réussi à maitriser un instrument de cette manière sans disposer de notions préalables.
La pratique musicale chez les enfants a pourtant une très bonne image dans la société. On lui prête volontiers des liens avec les résultats académiques, car elle nécessite travail et rigueur. Pendant longtemps, aucun travail scientifique n’a été fait à ce sujet. Ces présupposés liens n’étaient qu’une hypothèse fondée sur les compétences communes nécessaires à la réussite scolaire et à la pratique d’un instrument. Leur prestige commun en était aussi pour beaucoup.
L’influence de la musique sur la réussite scolaire des enfants
En 1992, Darby E. Southgate et Vincent J. Roscigno, deux chercheurs américains, ont étudié l’association entre la pratique musicale et la réussite scolaire. Ils ont examiné les résultats académiques de 45 000 enfants et adolescents en fonction de leur participation aux cours de musique à l’école, en dehors de l’école et de l’implication de leurs parents dans leur apprentissage. Cette étude a été réalisée en assurant un suivi administratif de chaque élève tous les deux ans. Les résultats de l’analyse des données montrent une corrélation forte pour les enfants et une corrélation modérée pour les adolescents entre la musique et les résultats scolaires.
Les auteurs ont émis l’hypothèse que la corrélation moindre pour les adolescents est due au fait qu’ils ont moins de possibilités de participer à des activités musicales à l’école que les plus jeunes. Les élèves en primaire ont généralement l’obligation de participer à des activités musicales quotidiennes, tandis que les collégiens et les lycéens ont le choix. Les élèves plus âgés disposent d’un plus grand choix d’activités extrascolaires. En outre, les responsabilités familiales des élèves plus âgés, comme le fait de s’occuper de ses frères et sœurs plus jeunes ou d’exercer une activité professionnelle, peuvent réduire le temps disponible pour la participation à des activités musicales en dehors de l’école.
Les supposés liens entre pratique musicale et de bons résultats académique sont donc bien réels. La détermination, le travail régulier, la qualité de l’enseignement et l’investissement des parents sont autant de facteurs communs à la réussite de ces deux activités. Mais la pratique d’un instrument, tout comme un travail régulier à l’école, a aussi des effets cognitifs. Des scientifiques ont ainsi prouvé que la plasticité cérébrale d’un enfant peut être exacerbée par la pratique musicale. Cette plasticité cérébrale est mise à l’œuvre lors des apprentissages, qui nécessitent le remaniement des circuits nerveux.
L’impact de la pratique instrumentale sur les fonctions cognitives non-musicales
La première capacité développée par les musiciens est l’amélioration significative de leur capacité à discerner des sons similaires et des petites variations de hauteurs dans les mélodies. Ils vont développer leur conscience phonémique, c’est-à-dire leur habilité à percevoir la structure sonore des mots entendus, qui selon plusieurs études, serait liée aux capacités de lectures. La pratique musicale aurait aussi un effet sur les capacités d’expression des enfants. Une étude longitudinale a été menée sur deux groupes d’enfants qui ont suivi un programme de formation en musique ou en peinture. Les enfants qui suivaient le programme de formation en musique ont rapidement développé leurs compétences en expression orale, contrairement à ceux qui suivaient le programme de formation en dessin.
La pratique régulière d’un instrument permettrait aussi l’amélioration des fonctions exécutives, qui correspondent aux capacités nécessaires à une personne pour s’adapter à des situations nouvelles, pour lesquelles il n’y a pas de solution toute faite, comme l’inhibition, la planification, les capacités d’adaptation ou l’attention. En particulier, l’attention visuelle serait aussi améliorée chez les musiciens. Plusieurs études prouvent aussi que les musiciens ont de meilleures capacités de mémorisation verbales. Elles seraient dues à leurs habitudes de répétition de séquences précises.
Dans les cas les plus intensifs, la formation musicale semble avoir des effets bénéfiques sur la vitesse de traitement de l’information et les capacités de raisonnement. Une étude longitudinale sur des adolescents a montré que ceux avec plusieurs années de pratique musicale active ont développé des compétences bien supérieures par rapport aux non-musiciens. Ces résultats sont supportés par d’autres travaux, dont certains prouvent une corrélation entre la pratique musicale pendant l’enfance et un QI plus élevé. Enfin, la formation musicale pourrait avoir un effet sur la créativité quand celle-ci implique l’utilisation de sons ou de mélodies.
Dans ces nombreux travaux sur ce thème, il est intéressant de noter que l’amélioration de ces fonctions est proportionnelle à l’investissement des sujets étudiés sur la pratique de leur instrument. Plus un enfant s’investit dans son entrainement, plus ses progrès dans ses fonctions cognitives non-musicales sont significatifs.
La portée de l’écoute de musique
Si l’écoute régulière de musique n’a pas d’influence significative sur les capacités cognitives des amateurs, elle peut tout de même avoir une grande influence sur leur état d’esprit. Des études montrent que la musique est un moyen de communication puissant et engageant qui s’adresse directement aux émotions. C’est aussi un moyen massif, car elle occupe une position centrale à la radio, à la télévision et sur les plateformes de partages de vidéo. Les amateurs de musiques l’associent souvent à des émotions telles que l’excitation ou la joie.
Ces conséquences peuvent aller jusqu’à des comportements extrêmes. Il a ainsi été démontré que l’écoute régulière de chansons dont les thèmes concernent des problèmes courants dans la population suicidaire, tels que la discorde conjugale, l’abus d’alcool et l’aliénation du travail, peuvent pousser au suicide. À l’opposé, écouter de la musique joyeuse et festive peut significativement améliorer l’humeur, aider à relâcher la pression et favoriser l’oublie des difficultés du quotidien. Nombreux sont les auditeurs à avoir instinctivement compris cela, et à utiliser la musique pour jouer sur leurs émotions afin d’accompagner leur nostalgie, leur amour, leur espoir ou leur bonheur.